Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Félin - Chevalier agent secret

9 janvier 2018

Le Félin nouveau est arrivé !

Je suis heureux d'annoncer la résurrection du Félin - Agent secret médiéval.

C'est une compile de trois aventures, chez Eveil et Découvertes, à 11 euros.

 

Couve Félin 2018

 

Communiqué presse Félin

Communiqué presse Félin2

Publicité
Publicité
1 juillet 2012

Quand les Chroniques de l'imaginaire parlaient du Félin...

Chroniques réalisées pour les Chroniques de l'Imaginaire : http://climaginaire.com/

 

Le trésor des templiers

 

Le seigneur Hugues de Montbrisac a reçu de curieux rapports de ses vassaux : il semble que ses terres soient surveillées par de petites bandes de rôdeurs insaisissables. Inquiet, il dépêche aux renseignements son plus fidèle chevalier, Yvain de Bréa alias le Félin, accompagné de son écuyer Gilles. Mais quand sire de Bréa part en mission, bien malin qui saurait empêcher la très déterminée demoiselle Isabeau de le suivre !

 

Les trois amis découvrent bientôt ce qu'il en est : les rôdeurs sont des gardes royaux et des mercenaires chargés de mettre la main sur le trésor convoyé par une petite troupe de Templiers en fuite, menés par Hugues de Valperthuis. Les chevaliers du Temple sont particulièrement suspicieux, mais ils acceptent bientôt l'aide de Montbrisac pour mettre leur précieux chargement en sécurité. Une entreprise qui ne sera pas de tout repos !

 

Pour ce nouvel opus des aventures du Félin, Arthur Ténor s'est inspiré d'un épisode tragique de l'histoire de France : en 1307, Philippe le Bel, alors roi de France, inquiet de la puissance et de la richesse des Templiers, les fait tous arrêter et brûler sous un faux prétexte. Il s'approprie leurs richesses, mais des légendes relatives à un trésor caché ne tardent pas à circuler. C'est ce mystérieux trésor que convoient ici les Templiers rescapés rencontrés par le Félin et ses amis.

 

Une fois encore, l'auteur nous a concocté un cocktail d'aventures assez explosives : les nombreuses escarmouches et fausses pistes sont en effet agrémentées par les effets spéciaux des armes imaginées par le génial maître Pirus, car nos héros transportent un arsenal digne de James Bond !

 

Les personnages sont fidèles à eux-mêmes. Le Félin est toujours l'agent secret énigmatique et expérimenté que l'on connait. Par contre, ses relations avec Isabeau, la fille de son seigneur, ont pas mal évolué pendant qu'on avait le dos tourné : eh oui, une fois encore Eveil et découvertes a choisi de sauter quelques épisodes déjà existant entre la dernière adaptation des aventures du Félin, les disparus de Montaguil, et celle-ci ! Notre belle est donc toujours aussi amoureuse, mais le chevalier peine de plus en plus à cacher les sentiments qu'il lui porte également. Le seigneur Hugues attend de plus impatiemment le mariage... Quant au jeune Gilles, il est toujours aussi espiègle et ses bêtises fournissent l'élément comique.

 

Action, humour, Histoire, tous les ingrédients sont encore une fois réunis pour nous faire passer un bon moment en compagnie du Chevalier Agent Secret le plus valeureux.

           

Les disparus de Montaguil

 

Guillaume de Montaguil vient d'hériter du titre de baron de son défunt père : Pour fêter l'événement comme il se doit, il a organisé tournoi et banquet, auxquels il a convié tout son voisinage. Il y a même un groupe de chevaliers Teutons fort pittoresques ! Le seigneur Hugues de Montbrisac, sa fille Isabaut et leurs gens sont également de la partie. Au matin, c'est le drame : Isabaut est introuvable. Concluant à une vengeance amoureuse du nouveau baron de Montaguil, que la belle a éconduit fort cavalièrement alors qu'il la demandait en mariage la veille, le seigneur Hugues s'échauffe : Il déclare la guerre au jeune nobliau, bien décidé à assiéger son château pour récupérer sa fille.

 

C'est ensuite au tour de maître Pirus, l'alchimiste au service du seigneur Hugues, de disparaître. La situation va vite se révéler bien plus complexe qu'il n'y paraissait au premier abord ! Il faudra toute l'intelligence et la bravoure du chevalier Yvain de Bréa - alias le Félin - et de son écuyer Gilles pour résoudre les mystères et assainir la situation.

 

Quel plaisir de retrouver le Félin et ses amis ! Cette fois encore, Arthur Ténor a réécrit un épisode déjà existant des péripéties du Félin, en le remaniant et l'étoffant largement. Il est seulement dommage de ne pas avoir suivi l'ordre original de ces aventures médiévales : le texte initial, Les disparus de Montbrisac, relatait en effet la quatrième aventure du Félin, ce qui donne lieu à quelques allusions à des événements précédents qui tombent à plat.

 

Le cocktail est encore une fois réussi : action et mystères ne manquent pas, mais l'humour est également présent. On pourra ainsi sourire de l'antagonisme qui oppose Auvergnats du sud (les gens de Montbrisac) et Auvergnats du Nord (ceux de Montaguil), mais également apprécier les nombreuses inventions de maître Pirus, véritable Léonard de Vinci avant l'heure : une armure anti-choc frontal, un parachute mais aussi de nombreux gadgets qui équipent le Félin. Le génial inventeur a également trouvé un rival à sa mesure en la personne de Charles de Montaguil, le frère du baron, expert en potions en tous genres : soporifique, hallucinogène, fortifiante... Ajoutons de superbes illustrations de Laurent Miny pour agrémenter le texte, et nous voilà avec un roman bien sympa qui réjouira les jeunes lecteurs.

_________________

Chronique réalisée pour les Chroniques de l'Imaginaire :

 

Péril au monastère

 

Lors d'un déplacement, la dame Isabaut de Montbrisac et son escorte le chevalier Yvain de Bréa se font dérober chevaux et bagages. Trempés par l'orage, les voilà contraints de se réfugier dans un proche monastère. Las ! Les moines ne sont guère accueillants pour ces hôtes inopinés ! Bien curieux moines d'ailleurs, qui sont tous estropiés et ne semblent guère connaître leur office... Les voyageurs vont devoir rester sur leur garde s'ils veulent échapper au danger qu'ils pressentent. L'occasion pour le chevalier de Bréa, alias le Félin, de déployer tous ses talents d'agent secret !

 

Après J'ai Lu Jeunesse puis les éditions Lito, c'est désormais Eveil & découvertes qui reprend la série Le Félin, Agent secret médiéval, la dotant au passage d'un nouveau titre : Le Félin, Chevalier Agent Secret. Pour l'occasion, l'auteur Arthur Ténor a entièrement réécrit l'épisode de Peur au monastère, avec un texte d'environ un tiers plus long.

 

Malgré les 20 titres déjà parus, preuve du succès de cette série, c'est pour moi une découverte, et une bonne. J'ai eu grand plaisir à suivre le Félin et ses compagnons dans cette aventure.

 

Le Félin est un preux chevalier loyal et courageux, mais également un agent secret hors pair coutumier des missions périlleuses : En un tour de main, il escalade des forteresses imprenables ou crochète les serrures les plus complexes. Il est équipé des gadgets les plus insolites fournis par le génial inventeur-alchimiste maître Pirus, l'équivalent de Q pour James Bond. Son écuyer, le jeune Gilles d'Estrée, fournit l'élément comique avec ses réflexions cocasses. Quand à la belle Isabeau, habile guerrière autant que jeune femme sensible, elle se meurt d'amour pour le Félin et profite de toutes les occasions pour se rapprocher de cet homme secret qui ne répond guère à ses espoirs.

 

L'action n'est pas oubliée : Mystères, menus incidents, combats, on n'a guère le temps de s'ennuyer ! De l'aventure, des personnages plaisants, beaucoup d'humour : Une lecture très sympa, pour les jeunes lecteurs à partir de 10 ans.        

      

           

6 janvier 2012

Pour ceux que cela intéresserait...

On me demande parfois si je possède des ouvrages que je puisse envoyer, notamment pour compléter la collection du Félin. Si cela vous intéresse, je peux effectivement expédier par la Poste certains des exemplaires qui me restent et qui bien sûr ne sont plus vendus en librairie. Je les propose à 3, 50 euros, à quoi il faut ajouter les frais postaux. La dédicace est bien sûr gratuite ! Contactez-moi si vous voulez des précisions : arthur.tenor@wanadoo.fr

Il s'agit de la toute première mission du Félin (pour les CM1-CM2 et 6ème) aux éditions du Bastberg. En voici la couverture :

cavaliers_Bastberg

 

26 février 2011

Extrait du Trésor des Templiers

Voici les premiers chapitres du Trésor des Templiers :

1

Mouvements de troupes suspects

 

Le chevalier se concentra. L’essai précédent n’avait pas été concluant, puisqu’il avait décapité net l’ennemi qu’il ne devait que neutraliser. Maître Pirus, l'inventeur-armurier de la maison de Montbrisac, « génialissime, mais pas toujours » selon sa propre expression, était tendu à l’extrême, comme s’il s'était lui-même trouvé à la place du guerrier en armure, monté sur socle à vingt pas du tireur.

– Et surtout, messire, que votre bras aille bien jusqu’au bout du mouvement, recommanda-t-il.

Le chevalier Yvain de Bréa, dit le Félin, approuva d’un imperceptible mouvement de tête. Il plia les genoux puis, d’un geste ample et vif de discobole grec, il projeta l'épais disque de métal sur le bord duquel étaient fixées trois poires métalliques. Celles-ci, par force centrifuge, se détachèrent et tendirent chacune d’un coup leur filin long d’une coudée[1]. Après un élégant vol plané, l’Estourbisseur de maître Pirus fit sauter pour la seconde fois le heaume cabossé du mannequin. Son concepteur secoua la tête de désappointement, alors que des applaudissements retentissaient dans la salle d’armes. La démonstration avait lieu en présence de Gilles, l’écuyer du Félin, qui voyait dans cette nouvelle arme secrète un petit bijou de technologie, de damoiselle Isabeau, la fille unique du maître des lieux, le seigneur Hugues de Montbrisac, également du spectacle. La jeune femme, terriblement séduisante dans sa longue robe de velours émeraude, quitta le banc d’où elle avait assisté à l’expérience pour venir féliciter le chevalier. Sa chevelure châtain-roux était coiffée en un complexe jeu de nattes, d’une « coquetterie savante qui ravagerait les cœurs les plus durs », selon son père.

– Avec vous, sire Yvain, même les échecs sont des réussites, déclara-t-elle.

Le chevalier la dévisagea. Dans ses yeux bleu nuit luisait une expression amusée et moqueuse à la fois.

– Avec vous, damoiselle Isabeau, répliqua-t-il aimablement, les échecs ont toujours beau visage. Mais je maintiens que ce redoutable Estourbisseur ne me conviendra pas tant qu’il risquera de fracasser des têtes au lieu de se contenter de les estourbir[2].

– Certes, mais si elles sont aussi vilaines que celle du baron du Breuil, dont l’armure vous sert de cible, cela se discute.

Gilles alla récupérer l’engin qui pendait au cou du mannequin décapité. C’était un adolescent blond, plein de fougue, que les innovations de maître Pirus séduisaient toujours autant, fussent-elles mortellement imparfaites.

– Pour ma part, je l’adopterais volontiers, dit-il en considérant l’engin avec envie.

– Désolé, Gilles, déclara le Félin, mais finalement je vais garder cette arme, qui n’a en fin de compte pour défaut que d’être dangereuse.

– Il y a une solution, intervint Isabeau, changeons les filins en rubans, les poires en perles et cela deviendra un Estourbisseur à damoiselles.

Elle se détourna et ajouta en s’éloignant vers la sortie, comme pour elle seule :

– Si vous avez alors besoin d’une cible, je me porterai peut-être volontaire.

À cet instant, un page surgit de l’escalier en colimaçon. Il salua Isabeau d’une brève inclinaison du buste, puis vint annoncer au Félin :

– Messire Yvain, Monseigneur voudrait vous consulter, tout de suite si votre service auprès de damoiselle Isabeau le permet.

Le Félin jeta un regard interrogateur vers la fille du châtelain, qui lui ravit la parole :

– Le chevalier n’a pas tout à fait terminé son service, mais nous voulons bien le libérer pour qu’il puisse rejoindre son maître.

– Trop aimable, lâcha Yvain s'en inclinant à la manière d'un serviteur.

Depuis deux jours, sa relation avec la fille de son suzerain avait pris une tournure bizarre, faite de sous-entendus permanents, d’allusions obscures et de petites piques sans fondement. Il y avait donc comme un malaise, qui finirait sûrement en explication franche et vigoureuse à un moment ou un autre. En attendant, le Félin, en chevalier courtois, donna le bras à la jeune femme qui l’accepta avec une œillade satisfaite.

À peine eurent-ils gravi une dizaine des marches, que leur langue se délia et se déchaîna, telle une bourrasque estivale. Un étage plus haut, dans sa salle des Audiences, Hugues de Montbrisac, absorbé dans l’examen d’un parchemin étalé devant lui sur une table longue, leva brusquement le nez. Les voix de sa fille et de son premier chevalier résonnaient dans l’escalier.

– Ma parole, ils se disputent ! gronda-t-il.

Les yeux écarquillés, il entendit Yvain s’exclamer :

– C’était donc cela ! Quelle sottise !

– Le faites-vous exprès ? Sottise rime avec Élise !

– Et Élise avec bêtise ! Mais voyons, Isabeau, est-ce ma faute si…

– Certainement, puisque vous lui avez répondu !

Le seigneur Hugues rit doucement dans sa barbe poivre et sel. Pour lui, une dispute entre sa fille et le Félin était plutôt bon signe… celui d’un mariage prochain, tant espéré mais un peu long à se déclarer. Tout d'un coup, le ton monta d’un cran. Désormais anxieux, le seigneur tendit l'oreille. Ne voyant pas apparaître les deux moitiés de son cœur, il croisa les bras, émit un grondement d'impatience, tapota le sol du pied… Et comme cela paraissait ne pas vouloir finir, il décida d’employer les grands moyens.

– Aaaah ! hurla-t-il comme si on l’égorgeait.

Deux secondes plus tard, ses sauveurs surgissaient, épée au poing pour le Félin, dague en main pour Isabeau. Le rusé les accueillit avec un large sourire de plaisantin se réjouissant d'avoir réussi son coup.

– Ah, vous voici enfin ! Merci d’avoir fait si vite.

– Pourquoi avez-vous crié, père ? s’enquit Isabeau.

– Hein ? Oh, rien, j’ai trucidé une araignée. Approchez, il faut que je vous parle d’une affaire qui me semble sérieuse.

Gilles et maître Pirus les rejoignirent à leur tour dans la grande salle.

– Voici ce qui me préoccupe, reprit Hugues de Montbrisac en montrant deux parchemins déroulés sur la table. Ce sont des messages de mes vassaux Montrougier et Roche-Montelle. Ils me signalent les allées et venues de petites bandes de rôdeurs armés ressemblant fort à des routiers[3]. Curieusement, elles ne rançonnent personnes, mais elles ne font pas que passer. Certaines laissent traîner derrière elles des espions. D’autres s’installent sur des collines, comme pour guetter les environs. Des soldats de Montrougier ont intercepté vers Saint-Clémentel l'un de ces groupes. Ils se sont brièvement accrochés, puis les marauds ont déguerpi alors qu'ils étaient plus nombreux… (Le vieux guerrier se gratta la joue, puis conclut : ) Tels sont les faits et je dis que tout cela n’augure rien de bon. Qu’en pensez-vous, sire Yvain ?

Le Félin prit le temps de lire attentivement les missives avant de risquer une réponse :

– Si l’on interprète ce que nous apprennent nos voisins, ces étrangers surveillent le passage de quelqu’un. Nous pourrions imaginer qu'il s'agit d'une personnalité importante qu’ils comptent attaquer.

– Holà ! S’ils créent des troubles chez moi ou chez mes amis, ça va chauffer ! s'indigna le seigneur qui déjà se voyait battre la campagne avec sa garnison.

– Avant cela, il nous faut savoir de quoi il retourne. Je partirai tout à l’heure avec Gilles…

– Yahou ! s'écria l’écuyer en levant les bras au ciel.

– À moins, ajouta le Félin en lui adressant une remontrance du regard, que je ne lui confie la tâche de s’entraîner avec l’Estourbisseur de maître Pirus.

– Oh ! lâcha l'intéressé. S'il vous plaît, mon maître, cela fait plus d'une semaine que je n'ai pas risqué ma vie dans une mission périlleuse.

Le Félin rectifia :

– Effectivement, je t'avais demandé de m'attraper un beau faisan pour l'offrir à l'un de nos artisans et tu as trouvé le moyen de planter ta flèche dans la portière de la voiture de l'évêque de Clermont qui passait par là. Nous avons failli avoir un incident diplomatique…

– Je vous trouve bien cruel de désappointer ce garçon dont on connaît le goût pour l’action, le coupa Isabeau.

Piqué au vif, le Félin répliqua :

– Et moi, je le trouve un peu trop spontané et maladroit pour un futur chevalier agent secret. Il faut qu’il sache se maîtriser, en toute circonstance. C’est pourquoi je ne lui passe rien.

– Si l’on y regarde de près, votre maîtrise n’est point infaillible…

Les mâchoires du Félin se contractèrent.

– C'est pourquoi je vous annonce que je vous accompagne dans cette mission d’information, annonça-t-elle avec détermination, en croisant les bras.

– Isabeau, s’il vous plaît, soupira le chevalier.

– Vous voyez, vous craquez.

– Mais non ! clama le Félin, à cran.

– Là… si !

– Pardonne-moi, ma mie, tenta de s'interposer son père, mais ce voyage pourrait comporter quelques dangers. Or, tu sais que je ne permets pas que tu risques ta vie.

– Je ne compte pas risquer ma vie, père. Nous dirons que je serai le pendant diplomatique du Félin, en allant rassurer en votre nom nos vassaux inquiets.

– Hum… Effectivement, c’est une bonne idée, admit le seigneur.

Il songeait aussi qu’un voyage permettrait sûrement aux deux caractères de sa maison de se réconcilier.

– Mais tu resteras à l’abri des murs de mes barons, tandis que sire Yvain mènera sa mission. Sommes-nous bien d’accord ?

– Nous finissons toujours par être d’accord, mon père chéri.

Elle l’embrassa, puis s’éclipsa en adressant une œillade provocatrice au Félin et en annonçant qu’elle allait se préparer.

 

Durant ce temps, quelque part au nord du fief de Montbrisac, un guetteur perché dans un arbre aperçut au loin, progressant vers le sud à travers prés, une troupe d’une dizaine de cavaliers, suivie d’un grand mulet chargé de lourds bagages. Il plaça sa main en visière pour mieux scruter vers ces voyageurs. La courte colonne était composée d’hommes enveloppés dans de grandes capes de toile brune. Parmi ces gens, se distinguait un immense gaillard au visage carré, aux grosses moustaches tombantes et à l’expression farouche. On eût dit un guerrier viking ou peut-être slave. Le guetteur remarqua que tous étaient armés et sur le qui-vive.

– Ce sont eux ! lança-t-il à un complice en observation dans un arbre voisin.

– T’es sûr, la Guêpe ? Parce que moi j’ai pas envie de me faire trancher les oreilles, comme ceux-là qui se sont trompés l’autre jour.

Le guetteur hésita avant de confirmer :

– Oui da. C'est sûr !

– Alors, y'a pas de temps à perdre !

Agiles comme des écureuils, ils retrouvèrent le plancher des vaches et leurs montures. Après une chevauchée d’une heure, à brides abattues, ils atteignirent un campement en pleine forêt. Des hommes en armes, vêtus de cottes de cuir ou d’éléments d’armure disparates, se levèrent vivement à leur approche comme s’ils craignaient une attaque. Les deux guetteurs sautèrent de cheval pour rejoindre un personnage vêtu de cuir noir clouté, à la chevelure brune, à la barbe bien taillée et au regard bleu perçant.

– Chef, je crois que cette fois, c'est bien eux qui arrivent, annonça le dénommé la Guêpe. Par l’ancienne route de Clermont qui traverse les terres de Montbrisac.

– À quelle distance ?

– Deux lieues[4]. Mais ils avancent vite.

– Combien sont-ils ? s’enquit-il.

– Neuf, dont un colosse qui compte pour deux.

Poings sur les hanches, le chef inspira profondément en levant les yeux au ciel, comme s’il hésitait sur la décision à prendre.

– Ils ne devaient être que trois, fit remarquer un gros type poilu, armé d’une masse d’armes.

– Et si on les intercepte qu'à nous six, y nous tailleront en pièces, renchérit un autre individu, en fendant l’air de son énorme poignard.

– Possible, murmura le chef, de plus en plus indécis. La Guêpe, pars prévenir mon frère que nous suivrons Valperthuis sans l’attaquer, jusqu’à… jusqu’à ce qu’il s’arrête pour bivouaquer. Nous le prendrons alors en tenaille.

– Et s’il ne bivouaque pas ? s’inquiéta un petit guerrier barbu qui portait à la ceinture une fronde et deux dagues de chasse.

– Il le faudra bien ! gronda le chef.

Le sixième membre du groupe, un personnage flasque et chauve qui tenait à deux mains une hache de bourreau, ajouta ses doutes à ceux de ses compagnons :

– Et si vot' frère et sa troupaille ne nous rejoignaient point à temps, hein ?

Le chef perdit son sang-froid et lança avec véhémence :

– Le prochain qui dit et si, je lui arrache la langue ! En route !


 

2

Attaques nocturnes

 

En fin d’après-midi, Isabeau rejoignit le Félin et Gilles qui l’attendaient dans la cour haute du château, ainsi que son père.

– Me voici ! annonça-t-elle joyeusement.

Le seigneur fronça les sourcils en la découvrant, légère et pimpante, dans une tenue de chasse, certes fort seyante, mais plutôt conçue pour les missions d’espionnage mouvementées : galeron[5] orné d'une plume de faisan, cotte et culotte de daim brun ajustées, poignard Multi-usages et Bras-de-Shiva à la ceinture, gibecière remplie d’outils pratiques et sur les épaules une ample cape châtaigne à capuchon…

– Curieuse tenue pour un voyage diplomatique, grommela le vieux seigneur.

– Vous trouvez, père ? Qu’en pensez-vous, sire Yvain ?

Le Félin, également équipé comme pour une opération nocturne, lâcha un laconique « estourbissant ! », puis suggéra de se mettre en route.

 

Les trois compagnons choisirent de se rendre d’abord au château de Montrougier, situé à une dizaine de lieues plein nord. Ils empruntèrent l’ancienne route de Clermont, moins praticable mais plus directe que la nouvelle qui longeait la rivière. Au cours de leur chevauchée, ils interrogèrent tous les paysans et les voyageurs qu’ils rencontrèrent. Rien d'anormal ne leur fut signalé, jusqu’à ce qu’ils croisent au crépuscule deux jeunes villageois en vadrouille. Ils leur racontèrent avoir aperçu une troupe d’hommes « des plus singulièrement étranges », les qualifia l’un. Et l’autre de préciser :

– Nous pouvons même dire suspectement singuliers, car en nous voyant, ils se sont évaporés si brusquement qu’on aurait pu croire à des fantômes.

– Où cela s’est-il passé ? demanda le Félin.

– Dans le Creux de la Vouivre, après la fontaine des Trois-Vieilles, répondit-il. M’est avis qu’ils ont bifurqué par le chemin des Pendus et se sont égarés dans la forêt des Mortcuits !

– On retrouvera peut-être leur squelette au printemps, plaisanta son compagnon.

Gilles frissonna. De nature superstitieuse, il détestait les lieux à vilaine réputation, particulièrement ce creux sinistre et ce chemin non moins inquiétant. Après avoir remercié les adolescents, le chevalier suggéra d’accélérer l'allure.

– Il faudrait que nous y soyons avant la nuit.

– Si mes souvenirs sont bons, dit Isabeau, ce chemin des Pendus est un cul-de-sac.

– Exact. C’est pourquoi je pense que cette bande s’est, soit arrêtée dans le vallon pour la nuit, soit est revenue sur ses pas. Nous devrions donc la croiser sous peu.

– Que ferons-nous alors ?

– Nous jouerons aux fantômes, nous disparaîtrons.

Si Isabeau ne parut guère alarmée par la soirée qui s'annonçait, Gilles dut se retenir de ne pas grimacer d'appréhension.

 

Sous une lune rousse – « la lune du diable », prétendaient les superstitieux – se levant du côté des montagnes tronquées d'Auvergne, le Félin et ses compagnons atteignirent les premières hauteurs d’un massif de collines. À l’entrée d’un chemin à peine tracé qui s’enfonçait dans une forêt aussi dense qu'obscure, ils immobilisèrent leurs montures. Le chevalier proposa de poursuivre à pied, tandis que les chevaux les attendraient dissimulés sous les arbres.

– Il va falloir se taire et marcher avec précaution, avertit-il à voix basse.

Il vérifia son équipement, puis alluma une Lampe-de-chat qui permettait d’éclairer discrètement le sol. Diffusée par une mèche d’amadou, la lumière rouge de cette invention était reflétée vers le bas grâce à un ingénieux chapeau à miroir.

– Je me suis longuement entraînée à imiter le pas de la biche, déclara Isabeau sur un ton espiègle.

– Et moi, celui de la fourmi géante, enchaîna l’écuyer.

– Et vous, messire chevalier ? interrogea la jeune femme.

– Celui de mon ombre.

Sur cette réplique qui valut au Félin un regard admiratif de la part d’Isabeau, ils s’enfoncèrent dans la forêt des Mortcuits. Gilles, qui jusque-là avait réussi à dominer son anxiété, commençait à sentir son estomac se tordre. Il ne parvenait pas à chasser de son esprit la sensation oppressante qu'ils pénétraient dans le ventre d’un animal monstrueux, peuplé de créatures fabuleuses qui les épieraient avec autant de curiosité que… d’appétit. À tout instant, le craquement d'une brindille ou la chute d’un gland le faisait sursauter. Le ululement d’un hibou joua avec ses nerfs, tandis que la main glacée d’un tourbillon d’air, s’insinuant dans le col de sa cotte, lui donnait la chair de poule.

– Quelle idée ces inconscients ont-ils eue de venir se perdre là-dedans ? maugréa-t-il à voix haute

– Tais-toi, Gilles.

– Pardonnez, messire. Je ne parle pas, je pense tout haut, chuchota l'adolescent.

Suivit le rire étouffé d'Isabeau. Agacé, le Félin menaça :

– Vais-je devoir vous bâillonner tous les deux ?

– Je préférerais que vous me donniez la main, répondit la jeune femme, car je n’y vois goutte.

Le chevalier s’exécuta, avec une douce fermeté, qui la fit frissonner de plaisir. Gilles aussi prit la main d'Isabeau, mais dans son cas parce qu'il avait besoin d'être rassuré… C'est ainsi qu'ils progressèrent ensuite, en ribambelle, le pas souple comme des cervidés, ne parlant plus et s’efforçant même de maîtriser leur souffle.

Quelques minutes plus tard, le Félin s’immobilisa. Ses compagnons n’eurent pas besoin de l’interroger, car à peu de distance un petit feu nimbait d'une aura orange un épais buisson. Ils progressèrent à pas lents et finirent par distinguer un campement. Faisant cercle autour du foyer, étaient assises d’inquiétantes silhouettes enveloppées dans des capes sombres, figées et silencieuses. Non loin murmurait une cascade.

Les deux agents secrets et la jeune femme s’accroupirent.

– Je vais m’approcher pour essayer d’apprendre quelque chose sur ces gens, chuchota le Félin.

– Et nous ? s’enquit Isabeau.

– Asseyez-vous et attendez. Mais interdiction de papoter… Humpf !

Isabeau venait de le pincer pour le rappeler à la courtoisie. Se frottant le bras, le chevalier s’éloigna pour se positionner derrière un tronc épais, à moins de dix coudées du bivouac. L'un des étrangers se leva pour remuer les braises. C’était un véritable colosse, aux mouvements lourds mais précis. Le rougeoiement éclaira un visage massif, avec de gros sourcils noirs et une balafre sur la joue gauche qui se perdait dans une moustache à la viking.

Une conversation s’engagea entre cet homme et l’un de ses compagnons :

– Si nous restons groupés, les sbires de Philippe[6]finiront par nous rattraper, dit-il. Nous sommes aussi discrets qu’une armée battant campagne.

Son accent rocailleux confirmait une origine nordique.

– Mais si nous nous séparons objecta l’autre inconnu, et qu’ils nous attaquent, nous sommes pareillement perdus. Alors, que faire ? soupira-t-il en baissant la tête.

Le Félin devina dans ce dernier un guerrier âgé, usé par une vie de combats et de voyages. Il y avait dans sa voix une noblesse qui ne trompait pas. Pourtant, ces hommes semblaient fuir l’autorité royale, comme des brigands, ce qui était très intriguant. Le plus âgé, qui semblait être le chef, se caressa longuement la barbe, en proie à un douloureux embarras.

– Qu’en penses-tu, Gauvain ? demanda-t-il à l’un de ses compagnons.

– Comme toi, mon frère, dans les deux cas nous pouvons déjà recommander notre âme à Dieu.

– Alors laissons-lui la décision ! décréta soudain le géant en levant un brandon enflammé.

Sa silhouette se découpa en ombre chinoise, aussi majestueuse et puissante qu’une colossale statue romaine. Il tira sous son manteau un poignard long comme un bras, puis annonça qu’il allait le jeter en direction du Très-Haut.

– S’il reste en l’air, proposa-t-il, nous poursuivrons notre voyage, ainsi que nous l’avons fait depuis deux semaines. S’il retombe, nous nous séparerons.

Le chef du groupe émit un rire empreint de lassitude, puis déclara :

– Rusé Gordji. Mais après tout, cela m’aide à trancher.

Le Félin sourit, se disant pareillement que le gaillard ne manquait pas d’esprit. À quelques pas de là, Gilles s’ennuyait ferme, car il n’entendait, venant du camp, que des chuchotements ténus, donc sans intérêt, si bien que son attention était toute entière concentrée sur les ténèbres alentour. Il était à demi allongé sur l’humus humide, en appui sur les coudes, jambes tendues et croisées devant lui comme s’il prenait le frais un jour d’été. C'est alors qu'une chose tiède et douce lui caressa les doigts de la main droite. Un doute l’étreignit : « Serait-ce damoiselle Isabeau ? » Bien sûr que non ! lui cria la raison, puisqu'elle se tenait à trois pas de lui, observant comme une louve inquiète le campement des voyageurs. Soudain prit d'affolement, il tâta fébrilement le sol et…

– Ouille !

…se piqua sur le dos d'un hérisson ! Isabeau se retourna en lançant un « chut ! » que le Félin, à dix pas de là, entendit aussi clair et net que le cri de douleur de son écuyer. Il en ferma les yeux d'accablement. Alertés, les voyageurs se figèrent, puis se concertèrent du regard. D'un geste de la main, le géant indiqua alors à ses compagnons de ne pas bouger. Ensuite, il se leva en tirant lentement son épée, puis partit en chasse.

Il passa bientôt sous le nez d'Yvain, aussi immobile et sombre qu'un tronc d'arbre.  Le chevalier porta la main à sa dague… se détendit, puis hésita à emboîter le pas au colosse pour prêter main-forte à ses amis. Deux situations se présentaient à lui : soit Gilles se faisait promptement embrocher, soit le géant l’attrapait par le col et le ramenait près du feu pour le cuisiner. C’est dans ces moments d’extrême urgence qu’on reconnaît les agents secrets les plus aguerris. Une courte réflexion suffit au Félin pour décider de ne pas bouger. Il n'en prépara pas moins son artillerie de poche pour, si nécessaire, neutraliser l'adversaire.


 

3

Combat de nuit

 

Comme le chevalier l’avait soupçonné avec justesse, Gordji ne tarda pas à mettre la main sur l’apprenti espion. Par contre, il n’avait pas prévu qu’Isabeau se ferait pareillement attraper. Ce fut alors une bruyante série de cris de douleur et de protestations que le vallon renvoyait en écho. Des ordres claquèrent, des menaces furent proférées et tout d'un coup, le silence retomba. L’immense Slave revint au camp, une prise sous chaque bras, comme s’il s’était agi de polissons en fugue. Il les déposa sans précaution devant le feu. La chevelure en bataille, Isabeau se releva d’un bond, puis se campa devant le géant, les poings prêts à frapper, le regard farouche et furibond. Le Félin goûta au spectacle, tout en se tenant prêt à agir.

– Approche, malotru, et tu le regretteras ! menaça la jeune femme.

Gordji la considéra, pétrifié d’admiration. Il arborait un sourire davantage bienveillant que moqueur. Son maître s’avança dans la lumière du feu pour interroger les espions :

– Qui êtes-vous ? demanda-t-il sèchement.

– Et vous ? répliqua Isabeau.

Simulant une douleur à l’estomac, Gilles glissa la main sous sa cotte. Il préparait une intervention courageuse autant qu'irraisonnée. Il avait appris à prendre le temps d’évaluer les situations et les adversaires avant d’agir, ce que le Félin apprécia.

– Si je vous réponds, déclara le chef du groupe, nous serons obligés soit de vous emmener avec nous, soit de vous éliminer. Souhaitez-vous toujours savoir ?

– Eh bien oui, figurez-vous ! Car je suis fille de seigneur, noble damoiselle et n’ai point l’habitude qu’on se montre discourtois à mon égard.

Le chef des étrangers s’efforça de dissimuler la forte impression que lui inspirait cette séduisante amazone. Son visage aux rides profondes était en partie mangé par une barbe grise, et sa peau parcheminée suggérait que l’homme avait dû longuement séjourner sous le soleil d’Orient. Ses yeux sombres brillaient d'une ardeur teintée d'une étrange mélancolie.

– Je m’appelle Hugues de Valperthuis…

– Le Templier d’Orcival ? s'exclama Isabeau.

– En effet. Suis-je à ce point connu ? Mais il est vrai que nous ne sommes pas si loin de mes terres.

– Je suis Isabeau, fille du seigneur Hugues de Montbrisac.

Le visage du Templier s'illumina à cette annonce. Il regarda ses amis pour leur faire partager son soulagement.

– À vrai dire, je m’en doutais un peu, déclara-t-il. Votre père et moi nous connaissons bien, même si cela fait près de trente ans que nos routes ne se sont point croisées…

– Croisées, le mot est bien choisi, messire, car mon père m’a raconté – et combien de fois ! – vos chevauchées communes en Palestine, et vos combats pour défendre la Terre sainte.

– Dieu comme tout cela est loin, soupira le Templier avec un hochement de tête. En effet, nous partageons de nombreux souvenirs communs avec votre père. C’est pourquoi, mes compagnons et moi nous sommes permis de traverser vos terres. Mais notre intention n’est nullement d’y séjourner.

– Alors que vos intentions changent ! lança Isabeau. Car je ne vous laisserai pas partir sans vous avoir offert l’hospitalité de notre maison, ne serait-ce qu’une journée pour un repos qui, je le devine, sera le bien-venu.

Hugues de Valperthuis ouvrit la bouche pour refuser, mais se ravisa :

– Nous verrons, dit-il simplement. À notre retour, sans doute.

L’atmosphère était à présent aux sourires et à la cordialité. Gilles ôta la main de sa cape où il dissimulait sa dague Lance-poudre-aux-yeux. Il croisa alors le regard de Gordji qui lui fit comprendre en fermant à demi un œil qu’il avait repéré son manège et ne se serait pas laissé surprendre.

– Au fait, reprit le Templier, j’ai ouï dire que mon vieil ami Montbrisac, outre une fille charmante dotée d’un solide tempérament, abritait en son château le plus fameux des chevaliers de la chrétienté.

– Voilà un superlatif bien superflu, estima le Félin, provoquant une volte-face générale.

L’agent secret se tenait en bordure de clairière, les bras croisés. Même Isabeau et Gilles ne l’avaient pas entendu approcher.

– Le chevalier au pas de velours ! lança Hugues de Valperthuis en s'approchant pour le saluer. Messire de Bréa, vous êtes bien tel qu’en moult contrées on vous décrit.

Passés divers autres échanges d’amabilités, les espions furent invités à partager le « modeste, mais convivial » repas des voyageurs qui tous, hormis Gordji, appartenaient à l’ordre du Temple.

– Après l’arrestation de nos frères[7], expliqua le sire de Valperthuis, nous n’avions d’autre choix que de disparaître, espérant nous faire oublier, au moins le temps que l’orage passe. Jusqu’à une date récente, je croyais encore à une renaissance prochaine de notre confrérie. Mais aujourd’hui… (Une ombre de tristesse apparut sur son visage las.) Il nous faut nous résoudre à entrer dans la clandestinité pour de longues années.

– Ainsi, ce sont les sergents royaux qui vous pourchassent ? déduisit le Félin.

– C'est exact, secondés par une troupe de mercenaires[8] à leur solde.

– Ceux qui guettent votre passage dans toute la région, enchaîna Isabeau.

Le Templier approuva de la tête.

– Aux premières lueurs de l’aube, nous devrons repartir, annonça-t-il ensuite. Il nous faut nous reposer, aussi vous saurai, gré une fois notre frugal souper achevé, de rentrer chez vous… et de nous oublier.

– Nous pourrions peut-être vous aider dans votre quête, se hasarda à suggérer Isabeau.

– Quelle quête ? fit mine de s'étonner le Templier.

Gilles se dit qu’il n’était pas le seul à laisser la spontanéité le trahir.

– Allons, ne soyez pas inquiet, frère Hugues, intervient Yvain, nous ne ferons rien que vous ne souhaitiez et ne vous apporterons que l'assistance que vous réclamerez. Et pour commencer, en effet, nous allons vous laisser vous reposer.

Il se leva, et chacun l’imita. La séance des adieux commença, quand soudain Gordji lâcha un chut ! d’avertissement. Des craquements de brindilles et des piétinements de chevaux signalaient l’approche de visiteurs du soir, et il ne s'agissait pas de cervidés ni de sangliers. Leur manque de discrétion n’était pas bon signe : sans doute étaient-ils nombreux et savaient-ils leurs proies à leur merci. Les épées ressortirent des fourreaux, les capes retombèrent à terre et Gilles se prépara à faire usage de sa redoutable dague Lance-poudre-aux-yeux. Le Félin ordonna à son écuyer de le suivre, et à Isabeau de rester auprès des Templiers, « pour veiller sur eux », lui précisa-t-il à l’oreille avant de disparaître dans la nuit. Sans lui demander son avis, Gordji lui emboîta le pas.

– Ce mastodonte va nous faire repérer, s’inquiéta Gilles à voix basse.

– Dis-le-lui, répliqua son maître.

– …

Avant peu, les cavaliers de tête étaient en vue. L’arme au poing, ceux-ci progressaient avec prudence sur l’étroit chemin.

– Y fait noir comme dans un trou de serpent ! grommela un homme.

– T’occupe ! Suis le mouvement et ferme-la ! le tança un autre.

– Et comment qu’on va les étripailler si on ne peut point les voir, tête de lard ? insista le premier.

Après deux secondes de silence, résonna un choc métallique suivi d’un « Ouille ! » L’insolent venait de prendre un coup sur le casque. Gordji était à deux doigts de se ruer sur eux, tel un ours dérangé dans sa sieste. Le Félin lui posa une main sur l’épaule et en deux mots chuchotés à l'oreille l’incita à retourner au camp préparer le comité d’accueil.

– Et vous ? murmura le Slave-Viking.

Ignorant la question, le Félin poursuivit ses recommandations :

– Laissez-les arriver jusqu'à vous, puis jetez-vous sur eux. Avec Gilles, nous nous occupons de l’arrière-garde. À tout de suite pour fêter la victoire.

Le colosse parti, il donna ses instructions à son écuyer.

 

Contrairement à ce que le chevalier avait anticipé, les visiteurs s’arrêtèrent bien avant d’atteindre le campement. Cela permit de les compter et de se rendre compte qu'ils étaient nombreux, plus de trente ! Pas assez cependant pour rendre la situation désespérée.

– Allumez des flambeaux et déployez-vous sur une ligne dont je serai le milieu ! ordonna le chef. Et que pas un moustique ne passe sans que nous en soyons avertis !

La stratégie était claire : piéger les fugitifs dans cette vallée comme dans une nasse,  puis attendre l’aube pour conclure la traque. Le Félin estima que les Templiers n’avaient d’autre choix que de forcer le barrage, le plus tôt possible et en acceptant de laisser sur place leur charroi. Mais le feraient-ils ? Il se demanda également comment les prévenir, puisque désormais l’ennemi avait pris position entre eux.

En guerrier expérimenté, Hugues de Valperthuis avait vite compris la tactique des mercenaires.

– Nous sommes faits comme des rats, maugréa-t-il. À l’aube, ce sera la curée.

– Il n’y a qu’une solution, frère Hugues : forcer le passage, déclara l'un de ses compagnons.

– Bien sûr, frère Guillaume, mais tu oublies notre précieux charroi.

– Diantre, c’est vrai ! convint le Templier. Nous voici donc encore dans un royal embarras, conclut-il amèrement, faisant allusion à celui qui avait signé l'arrêt de mort de l'ordre du Temple, le roi Philippe le Bel.

– Vos vies ne valent-elles pas mieux que quelques malles ? s’étonna Isabeau.

Elle n’obtint pas de réponse.

– Gordji, à ton avis, de combien d’hommes dispose cette racaille ? demanda Hugues de Valperthuis.

– Plus que nous n’en pourrons vaincre, mon maître.

– Alors voici ma décision : avec frère Enguerrand et frère Mathieu, vous tenterez de sauver nos bagages, cependant que nous autres combattrons jusqu’à la mort pour couvrir votre fuite.

Isabeau fronça les sourcils.

– Vous ne m’avez pas répondu, messire Hugues, qu’a-t-il donc de si précieux ce chargement ?

– Cela n’est point votre affaire, damoiselle, répondit sèchement le Templier. D’ailleurs je vous suggère, je dirais même je vous ordonne, de ne point prendre part à notre affaire. Demeurez cachée quelque part dans ce bois avec vos amis, jusqu’à ce que tout soit terminé. Et puis, s’il vous plaît, rappelez à votre père qu’il est toujours resté un ami très cher à mon cœur.

– Vous ne me connaissez pas, mon frère, répliqua la jeune femme avec une froide détermination. Je ne fausse jamais compagnie quand une juste cause est à défendre. C’est dans le sang des Montbrisac et vous ne pourrez pas vous y opposer.

Des appels et des rires résonnèrent dans la forêt. Sûrs de leur fait, les mercenaires ne faisaient rien pour se montrer discrets. Bien au contraire, ils semblaient jouir de la terreur qu’ils pensaient inspirer à leur gibier. Un phénomène inattendu vint pourtant troubler leur sérénité : une explosion accompagnée d’un puissant éclat de lumière sema stupeur et frayeur dans leurs rangs.

– C’est Yvain ! expliqua Isabeau en dénouant la triple lanière de son fouet. Il faut attaquer, messires, maintenant !

– Non, je m'y oppose, rétorqua Hugues de Valperthuis, mais d'une voix toutefois hésitante.

– Cette femme a raison, maître, attaquons, approuva Gordji. Le mulet et la carriole suivront, je le jure !

– Eh bien, s'il doit en être ainsi, soupira le Templier. Mes frères, à la grâce de Dieu !

Sidérant les chevaliers du Temple, Isabeau fut la première à se ruer à l’assaut.

– Je passe devant !

– Fichtre ! Quelle femme ! s'exclama Gordji, subjugué.

Et il s’élança à son tour. Une fois au contact de l’ennemi, la jeune femme expédia des projectiles de différentes natures : Crottins-de-la-confusion, Sphères époustouflantes, Cris-du-diable… La forêt retentit de coups de foudre assourdissants, de sifflements stridents, de hurlements de terreur… le tout dans des gerbes de lumière blanche, rouge et verte. Les Templiers eux-mêmes en éprouvèrent des pincements de crainte, se demandant d’où sortaient ces diableries. À elles seules, elles produisirent plus de résultats qu’une troupe de cent chevaliers. Les mercenaires, dont les montures étaient devenues incontrôlables, s’enfuirent au galop, désarçonnant ceux qui avaient eu la mauvaise idée de rester en selle. Les quelques téméraires qui voulurent malgré tout affronter cet ennemi invisible, se firent promptement occire. Quant à leurs chefs, qui se faisaient appeler les frères Preux, ils prirent la tête de la débandade.

À la sortie du vallon, dans une obscurité à peine moins opaque que celle d’une caverne, les chouettes et les cerfs virent surgirent, tels des damnés s'évadant de l'enfer, ces humains à cheval, dont plusieurs se firent violemment faucher par les branches basses d'arbres isolés. Tandis qu’ils se dispersaient sur la campagne, une douzaine d'autres cavaliers, escortant un grand mulet tractant poussivement une charrette chargée d'énormes coffres sous bâche, sortirent à leur tour des fourrés. Ils se rassemblèrent sur l’ancien chemin de Clermont et quelques-uns se mirent à discuter. Mais le Félin coupa court en ordonnant :

– Nous ne devons pas nous attarder ! Suivez-moi !

Dans son dos, accrochée à sa ceinture, il avait allumé une Lampe-de-chat, afin que tous puissent le suivre, guidés par cette grosse luciole rouge.



[1]Une coudée : environ cinquante centimètres.

[2] Assommer

 

[3]Routiers : au Moyen Âge, brigands qui pillaient en bande les campagnes.

 

[4]Deux lieues : environ huit kilomètres.

[5]Le galeron (qui a donné le mot galurin) était une coiffe de fauconnier, dont la visière pointue avançait sur le front.

[6] Il s'agit de Philippe IV le Bel : roi de France (1268-1314), petit-fils de Saint-Louis.

 

[7]En octobre 1307, Philippe le Bel fit arrêter les Templiers de son royaume, car leur richesse et leur influence représentaient pour lui une menace.

[8]Mercenaires : hommes d’armes qui louaient leurs services uniquement contre de l’argent.

Publicité
Publicité
Le Félin - Chevalier agent secret
Publicité
Publicité